Voilà. 100km et des poussières. Je m’arrête là dans ce défi. Même si mon ambition a été revu à la baisse, c’est un sacré défi. Mes jambes sont très contentes que ça s’arrête. Pourtant, je sens que je pourrais faire un ou deux jours de plus sans trop de difficulté, malgré les muscles endoloris.
Départ ce matin à 9h00 après une nuit à l’hôtel et un petit déjeuner copieux. Ma jambe droite me fait mal dès le départ. Mais ça ne durera pas. Après un kilomètre, première chute sur du verglas. Mon coude me fait plus mal que ma jambe. Tant mieux, j’avancerai mieux. Pour être honnête, ça ne durera pas. La douleur dans mon pied et dans ma jambe vont me tenir compagnie toute la journée, plus ou moins intensément. Peu importe. Ca fait maintenant partie du décor.
D’autres défis m’attendent en chemin. Très vite, je me retrouve à descendre un chemin gelé… Quand je dis gelé, c’est un euphémisme. Une couche de glace de presque 10cm recouvre mon passage en pente. Je commence par avancer doucement, en espérant que les quelques cailloux qui dépassent et les coques sur le sol me permette d’accrocher mes pas. Je m’arrête, réfléchis, me demande ce que je vais pouvoir faire. Cela me rappelle l’escalade d’une montagne d’ardoise empilée que j’ai tentée au Yosémite en 2012… j’ai cru y rester… paralysé de peur pendant 5 minutes interminables après qu’un gros morceau de roche ait bougé suite à un mouvement d’une de mes mains… la menace d’être enseveli sous une pile d’ardoise, seul dans le Yosémite, sans que personne ne sache où me chercher… une leçon que j’ai retenue. Bien sûr, la situation est loin d’être aussi dramatique. Le sentiment d’impuissance et le temps de réflexion me parait alors tout aussi intense. Je finis très vite sur mon postérieur, et vu la pente, je n’ai d’autre choix que de me laisser glisser sur une dizaine de mètres. Un peu plus loin, rebelote. A part que cette fois, je fais le choix de me mettre sur mon postérieur, ça va plus vite que de perdre du temps à élaborer des stratégies clairement inutiles vu la situation. Une chance que ce soit à la descente. A la montée, j’aurais du faire demi-tour. Aucune stratégie ne m’aurait permis d’arriver en haut.
Bref. Je vous passe le reste des détails. Ce n’est finalement pas le sujet. Ce n’est pas les deux seules chutes de la journée. Plus tard, dans un village, je vais glisser sur du verglas et me taper le coccyx et l’autre coude, histoire d’équilibrer les choses. Quoi qu’il en soit, après ces déboires, j’arrive à Tafers. La fin est proche. Encore 1h et des poussières. Je m’arrête pour manger, et repart en direction de Fribourg. C’est alors que je m’attarde à prendre des photos des arbres. J’ai développer une grande admiration, une adoration pour les arbres solitaires au milieu des champs. Ils m’inspirent. Force tranquille, dont chaque branche, chaque rameau est un nouveau départ, une nouvelle aventure. Imperturbables, et pourtant si fragiles. J’ai croisé beaucoup de bûcherons durant mon périple. Histoire peut-être de me rappeler que même un arbre aux allures indestructibles est très vite réduit à l’état de ressource par notre société. Reste que au milieu des champs, la plupart du temps les arbres sont conservés, entretenus, et on y croise de vieux vénérables qui pourraient nous conter l’histoire de toute une région.
Durant la dernière heure de mon trajet, j’ai sorti mon objectif macro que j’ai trimbalé pendant 4 jours, et je me suis lâché. Beaucoup de clichés à trier maintenant. Beaucoup d’arbres, des écorces, un milan… quel plaisir. Un soleil magnifique, des arbres superbes, de près comme de loin.
Je finis sur une note amère, un sentiment d’incomplet. Non simplement le fait d’avoir raccourci mon périple d’un jour. Plutôt l’impression de ne pas être allé au bout de moi-même. Le côté positif: je découvre que je suis tout à fait capable de marcher 100km en quatre jours, et que je n’abandonne pas à la première douleur ou la première difficulté. C’est sûr, cet été, je remets ça, mais dans les Alpes cette fois.
Quant au jeûne, il y a nombre de séminaires de jeûne chaque année à gauche à droite. J’irai en faire un. Je suis en pleine exploration, en découverte. Et même si mes barrières tombent petit à petit, il en reste un certain nombre à dépasser. Aujourd’hui, comme chaque jour à venir, est le premier jour du reste de ma vie.
Tout est possible.